#FindFrench: Qu’avons-nous appris lors de notre recherche de ressources pédagogiques numériques à partager avec le monde?
Learning Equality et EdTech Hub ont mis en place un partenariat pour rendre disponibles des ressources pédagogiques numériques pour les apprenants francophones qui n’ont pas accès à Internet. Dans ce post, Vahid Masrour, Curriculum Operations Specialist pour Learning Equality, partage ses appréciations des efforts réalisés durant le mois d’octobre 2020. Vous pouvez également trouver un résumé de ce post sur le blog d’EdTech Hub.
Notre effort en mode participatif du mois dernier pour obtenir des suggestions de matériels pédagogiques numériques nous a rapporté des résultats prometteurs. L’équipe de Learning Equality a évalué plus de 50 sources, en cherchant à voir si elles pourraient être utilisées en classe, les possibilités de les utiliser en l’absence de connexion à Internet, et comment elles pourraient contribuer à améliorer sa médiathèque francophone.
Ce que nous cherchions:
On peut évaluer des ressources pédagogiques numériques sous bien des aspects. Étant donné que notre organisation cherche à pourvoir des matériels qui peuvent être utiles à des apprenants qui ne disposent pas de connexion à Internet, qui peuvent se trouver dans des contextes défavorisés ou sans beaucoup de temps, nous avons pris en compte les aspects suivants:
- Utilisation dans les salles de classes: Learning Equality tient toujours en compte les besoins des enseignants, alors que beaucoup d’autres initiatives technologiques les délaissent. Ce regard particulier nous tient à cœur, et est un des piliers de l’écosystème d’outils que nous mettons en place, ainsi que l’inspiration de nos choix pour les matériels que nous publions dans notre médiathèque. Dans cette recherche, nous avons donc mis en avant les matériels qui correspondent à ce qu’un enseignant voudrait utiliser, qui pourraient être adaptés à des situations pédagogiques variées, et qui pourraient répondre à des contextes particuliers comme permettre que les contenus soient téléchargés sur des portables, par exemple. Cela laissait de côté les matériels qui ont besoin d’une connexion permanente à internet, les cours qui tournent autour de forums, ou ceux qui exigent un identifiant ou des paiements.
- L’usage à domicile, l’auto-apprentissage: À cause de la pandémie dans laquelle nous nous trouvons tous, des millions d’enfants et de jeunes se retrouvent interdits d’accéder aux ressources qu’ils pourraient utiliser normalement dans leur centres éducatifs. Nous espérions trouver des matériels que les apprenants pourraient trouver stimulants, et qui les aiguillonnerait vers le développement de leur curiosité et -pourquoi pas- de nouvelles compétences. Cela, alors même que ces apprenants sont privés des retours de leurs enseignants.
- Des perspectives plus équitables: Nous cherchions des matériels qui arriverais à dépasser certaines limitations de l’histoire et mettrais en place des perspectives qui prennent compte l’égalité de l’homme et de la femme, et un regard plus planétaire. Nous avons pu les trouver dans certaines ressources comme “Citoyennes” et “Citoyennes du monde” qui présentent des portraits de femmes qui ont œuvré pour le bien commun et la préservation de l’environnement.
- Des conditions pour un usage “libre”/open: Dans les formations en ligne, il y a souvent des permissions qui sont données pour l’usage tant qu’il est restreint à cet environnement. Les matériels mis à disposition sur Kolibri, par contre, doivent pouvoir être utilisés dans des scénarios bien plus variés, dont la télécharge et reproduction hors connexion à internet. Tous les matériels utilisés sur la plateforme pour l’apprentissage Kolibri doivent respecter les droits d’auteurs et les faire connaître au niveau des métadonnées ainsi que de manière visible sur la plateforme. Les matériels que nous présentons utilisent normalement des licences Creative Commons, qui permettent leur utilisation sans connexion. Dans certains cas, il arrive que les ayants droits préfèrent donner une “permission spéciale” pour l’usage des contenus éducatifs qu’ils ont créé sur Kolibri.
Les observations sur le paysage des ressources pédagogiques en francais
La francophonie représente environ 300 millions d’être humains, ce qui fait du français la 5ème langue la plus parlée au monde. La francophonie est une grande habituée de l’écrit, et a développé une “industrie lourde” autour de l’imprimé, ce qui a façonné de bien des manières les attentes des enseignants et des apprenants. Nous avons donc entrepris cette recherche alors même que nous connaissions le rôle prépondérant de cette industrie, mais voulions en apprendre plus au sujet des ressources pédagogiques numériques francophones. Nous espérions aussi que des conversations se mettraient en place avec des interlocuteurs et des créateurs. Nous voulons donc partager ici ce que nous avons découvert.
1) L’accès aux ressources et les droits d’auteurs omniprésents
Comme nous nous y attendions -et comme les suggestions que nous avons reçu l’ont bien montré- les publications en français, les matériels éducatifs, et même les ressources gratuites, sont -sauf exception- couverts par des conditions d’utilisations (droits d’auteurs ou copyrights selon les cas) qui empêchent l’usage que nous souhaitons leur donner. Nous avons observé que ces mentions légales se retrouvent même dans les sites web gouvernementaux qui devraient normalement être au service du public. Il est fort possible que les créateurs ne se rendent pas compte d’ à quel point cela crée une barrière pour la distribution et l’utilisation de ces matériels, alors même qu’ils pourraient avoir des impacts très positifs pour les apprentissages. Malgré cela, nous avons aussi noté que certains sites, appartenant à des organismes public (Edubase, par exemple) et par certaines ONGs (La Main à la pâte), ont fait le choix de licences ouvertes, ce qui indique qu’une prise de conscience progressive est peut-être en train de s’installer, et que les “mentions légales” peuvent prendre en charge de nouvelles possibilités.
Nous voyons donc bien que les créateurs et certains éditeurs comprennent les avantages liés à pouvoir faire parvenir leurs contenus à un public plus étendu.
2) Des obstacles à l’utilisation des ressources numériques sur les arts dans des contextes sans accès à Internet
Les droits d’auteurs ont bien entendu un rôle prépondérant quand on pense à l’utilisation de matériels qui prennent la forme d’art (et ne sont pas forcément créés comme matériels éducatifs), alors même qu’ils font partie de l’apprentissage dans la Francophonie.
Nous avons par exemple reçu des recommandations d’ajouter des bandes dessinées, qui sont en elles-mêmes un élément important dans la pop-culture Francophone. Même si elles sont souvent traitées comme une forme de loisir, leur valeur pour l’apprentissage de la langue n’est plus à démontrer. Il va sans dire que pour bien des personnes, les BDs ont été et restent un point d’accès à la culture Francophone auquel on tient beaucoup. Elles sont des points d’attache pour l’apprentissage de la langue, de la littérature, de l’histoire, des arts, de la géographie et contribue à des sentiments d’appartenance culturelle.
Malgré tout cela, force est de constater que, bien plus encore que dans le cas des ressources pédagogiques, les droits d’auteurs jouent ici un rôle capital, ce qui les rend impossible à utiliser dans les contextes qui nous intéressent. Alors même que la pandémie sévit, l’accès à l’art est donc plus limité que jamais pour ceux qui n’ont pas accès à internet. Puisque nous faisons face à un changement de fond durant la pandémie, comment pourrions-nous faire parvenir ces ressources aux apprenants qui n’ont pas de connexion à internet? Comment pourrions-nous mettre en place des mécanismes de soutien à la création de telles ressources?
3) La présence des lettres et des sciences humaines
Par rapport à d’autres effort du même genre que Learning Equality a fait pour étoffer sa médiathèque, nous sommes contents d’avoir reçu un nombre important de recommandations qui tournaient autour des lettres et des sciences humaines, alors que ces sujets sont loins d’être prépondérants dans la plupart des interventions qui s’occupent de l’apprentissage à l’ère du numérique. Ces sujets ont fait l’objet de la plupart des recommandations, plus que des sujets traditionnels qui avaient à voir avec les curriculum ou les compétences techniques.
Comme nous l’avons déjà dit, nous avons particulièrement apprécié la série “Citoyennes”, qui présente des biographies de femmes qui ont contribué au bien dans le monde. Mais d’autres suggestions ont attiré notre attention, comme des matériels qui se concentrent sur les droits de l’homme, la dimension éthique (“Le Bien, le Juste, l’Utile. Introduction aux éthiques philosophiques”), et d’autres thèmes qui ont leur place dans la scolarité.
4) Les portails web
Certes, les portails web facilitent l’accès à des matériels très intéressants, mais ils ne sont pas faits pour faciliter l’accès hors ligne. Le site de TV5 Monde: Apprendre le français en est un excellent exemple: il contient des leçons et des contenus vidéos liés aux nouvelles et utilise celles-ci pour développer les compétences linguistiques. Alors bien même qu’il est de toute évidence très utile, le convertir à un usage sans connexion à Internet n’est pas faisable.
Une autre tendance que nous avons observé est l’usage de portails en tant qu’entrepôt de liens vers les ressources elles-mêmes. Edubase en est un bon exemple: C’est une base de donnée qui recoupe des liens vers 12.000 plans de classes, activités, et matériels éducatifs qui ont été créés par des profs et ont été testés en classe. Il n’y a pas de doute quand à leur valeur pour d’autres éducateurs francophones, mais -alors même qu’Edubase utilise une licence CC-BY (idéale!)- les liens hébergés mènent à des sites où les licences sont bien moins claires et donc peu pratiques à exploiter. Tel est le cas aussi pour APRELIA, un portail africain de Ressources pédagogiques Libres. Le problème est donc que même si le portail se définit par rapport à des copyrights “permissifs”, les ressources qu’ils proposent peuvent utiliser sur des licences très différentes. Nous revenons donc au problème auxquels nous invitons les créateurs de matériels éducatifs à réfléchir: des licences CC ne permettraient-elles pas une bien meilleure diffusion, et donc un plus grand succès?
5) L’histoire et la formation technique
L’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) est toujours un sujet d’actualité pour nous. Assurer la formation des jeunes et des adultes pour l’activité économique durant cette pandémie présente un nouveau défi. Les besoins de construire les compétences pratiques que ce soit pour l’utilisation de l’informatique, l’agriculture, la santé publique, et bien d’autres champs d’activités encore, n’ont bien évidemment pas diminué. Nous avons donc remarqué la mise en place d’un site en particulier: Ma formation en ligne Côte d’Ivoire.
Il faut reconnaître ici que nous n’avons trouvé que peu de ressource pour l’EFTP qui aient été créés dans l’hémisphère sud, en francais, et nous espérons que cette initiative, avec d’autres, prennent un essor nécessaire.
Rappelons-le ici: l’EFTP offre des opportunités bien concrètes pour le développement des apprenants, qu’ils soient jeunes ou adultes, et tous les matériels éducatifs qui y contribuent,-avec des licences idoines- sont donc des atouts importants à mettre en place. Ceux-ci peuvent d’ailleurs être très bien complémentés par des productions locales de vidéos (par des profs et leurs élèves) qui aillent illustrer les aspects pratiques des formations. Les activités de création et de distribution de ces vidéos pourraient ainsi avoir un impact très positif tant sur les apprentissages des utilisateurs de ces matériels, que pour les apprentissages de leurs créateurs. Nous encourageons donc de tout cœur ces initiatives.
Nous l’avons dit, nous avons reçu des recommandations de matériels variées sauf pour ce qui en est de l’histoire, un thème qui fait pourtant bien partie de tous les curriculums. Étant donné le passé colonial de la Francophonie, il y a là des thèmes épineux qui doivent mener à des conversations par les organismes qui s’occupent de la représentation de l’histoire à travers les États. Il est intéressant de réfléchir à l’opportunité qui s’ouvre avec l’avènement de l’éducation numérique: plus de voix peuvent participer à la création de ces matériels, dépasser la représentation coloniale et, par là même, aider à construire une version plus riche, plus complète et partagée de notre histoire humaine, pour les apprenants du monde entier.
L’utilisation de ces ressources sans accès à l’internet
Cette recherche nous a permis de découvrir des matériels fantastiques qui pourront soutenir les apprentissages des usagers de Kolibri. Nous partageons ici la liste de quelque unes des ressources que nous sommes en train d’intégrer à notre médiathèque:
Nos prochains pas
Une fois que nous aurons fait les adaptations nécessaires pour leur utilisation sans connexion à internet sur la plateforme Kolibri, nous vous tiendrons au courant à travers nos réseaux sociaux. Suivez-nous!
Notre recherche n’est pas finie, au fait! Si vous avez des recommandations à nous faire, tout spécialement si elles tiennent compte des défis que nous avons soulignés ici, prenez contact avec notre équipe qui s’occupe du curriculum: content@learningequality.org.